mercredi 4 juillet 2007

Mettez les rebelles au pouvoir

Il se présentait depuis sa prison. Accusé de rebellion et de coup d'Etat pour avoir pris la tête d'une mutinerie en 2003 dénonçant la corruption de la présidence, il représente l'un des principaux et dangereux opposants de la présidente Gloria Arroyo, qu'il a osé défier. Coupé du monde par ses barreaux et par les ordres de la présidence qui lui a empêché presque toute apparition dans les médias pendant la campagne, son visage a été totalement absent des télés qui forment les élus. D'ailleurs, même l'opposition ne croyait pas en cet homme.
Antonio Trillanes a pourtant reçu plus de 10 millions de voix lors de l'élection du 14 mai dernier. Et a été élu sénateur des Phillippines. Pour cela, il a reçu le soutien officiel d'une seule personnalité politique, la sénatrice de l'opposition Jamby Madrigal. Il est à ce jour le premier et l'unique sénateur à "siéger depuis sa prison", ce qui n'est déjà pas sans poser de nombreux problèmes législatifs depuis sa proclamation le 30 juin dernier. La chambre haute du Parlement philippin, l'antichambre de la présidence qui ne compte que 24 membres, compte un rebelle dans ses rangs.
Le Lieutenant de la Marine Antonio Trillanes IV, âgé de 36 ans, était bien inconnu avant 2003. Brillant officier, il terminait alors un master en administration publique à l'Université des Philippines. C'est sûrement là qu'il a commencé à se préoccuper des dysfonctionnements de la chose publique dans le pays, et particulièrement dans l'armée, qui est très souvent accusée de corruption. Il a d'ailleurs publié deux notes détaillant les incompétences du système militaire, à des moments-clé comme lors du kidnapping des touristes occidentaux par Abou Sayyaf en 2001.
Il ne s'est donc pas arrêté là. En 2003, il mena ainsi le "rebellion d'Oakwood" avec 320 autres officiers, mutinerie plus médiatique que militaire, qui a consisté à inviter les médias dans le grand hôtel Oakwood du quartier d'affaires de Manille, qu'ils avaient occupé et apparemment équipé d'explosifs. De là, il décrivit la corruption des chefs de l'armée et organisée par la présidente Gloria Arroyo, favorisant les actions de terreur et les groupes rebelles, et qui aurait été sur le point de déclarer ainsi la loi martiale. Cette rebellion n'aura duré que 18 heures, sans blessés, ni trop de dommages immédiats pour la présidence.
Un an après, la moitié de ces officiers se sont excusés, et ont été graciés. Antonio Trillanes a maintenu ses accusations, et continué à attendre son procès civil et en cour martiale dans une geôle des marines. Où, progressivement, il gagnait en popularité.
A la veille de l'élection du 14 mai dernier, certaines sources m'affirmaient qu'il avait l'adhésion de 98% des militaires, soit l'un des piliers du pouvoir aux Philippines. Une popularité aussi très "populaire" : les chauffeurs de taxis, les ouvriers, avouaient qu'ils croyaient en cet homme. Et c'est ainsi qu'il s'est élevé à l'un des postes les plus convoités de la politique du pays, recueillant l'adhésion de plus d'un électeur sur quatre, et créant ainsi l'"effet Trillanes", qui étonna tout le monde, des médias aux politiques: celui d'un homme qui dénonce un système corrompu et auto-reproduit, familial et auto-protecteur, où la triche et la manipulation des scrutins est légion, et qui, en plus, arrive à se fait élire.

Pour en savoir plus :
Le site officiel de la candidature d'Antonio Trillanes
Des vidéos de sa campagne depuis sa cellule
Une lettre ouverte de Trillanes dénonçant la politique de calomnie menée par l'administration contre lui