mercredi 27 janvier 2010

La voiture blindée, ou comment survivre aux élections



C'est l'histoire de politiciens qui aimeraient survivre aux élections. Et des moyens pour y arriver.
Pour raconter cette histoire, il faut un moment se mettre dans la peau d'un gouverneur du nord des Philippines, qui a déjà amassé un bon pécule grâce à ses loyaux - et surtout déloyaux- services à la tête de sa province. Un gouverneur qui décide donc qu'il mérite de mettre ce talent au service de la cause nationale, de se faire entendre dans l'assemblée de Manille, en se présentant comme député de cette circonscription, lors des élections générales de mai prochain.


Le problème, c'est qu'il n'est pas le seul à jouer : son opposant pour ce poste, le député actuel, fait partie d'une grande famille, aux grands moyens. Aux moyens armés surtout, et sans scrupules pour garder ce poste : ce député, comme des centaines de politiciens comme lui, détient sa propre milice prête à défendre ce poste accaparé au public contre les intrus. Et à réduire la voiture des autres prétendants en passoire roulante.
Conclusion : notre chère candidat est sûrement candide, mais pas suicidaire. Il se rend dans le garage d'Exoarmoring, au nord de Manille, pour faire blinder sa voiture !

Ce garage est sûrement le seul ces temps-ci, à se réjouir, bien malgré lui disons-le, de voir les candidats régler leurs différents à coups d'armes automatiques: son cahier de commandes a grandi de 30 % en quelques mois.

Ces élus locaux - qui ne sont censés gagner que quelques dizaines milliers de pesos par mois,,quelques centaines d'euros- arrivent avec leur Toyota Land Cruiser ou Ford Expedition, pour les transformer en de véritables petits chars d'assaut.
Détail de la transformation : on démonte toute la structure, et on y met des barres d'acier tout le long, dessous, derrière.
Le but : arrêter les balles de M-16, les grenades jetées sous les voitures par ces bienfaiteurs de la chose publique, et leurs hommes de main.
Coût de l'opération : entre 20 000 et 50 000 euros, suivant le blindage.
Question subsidiaire : Combien étaient censés gagner ces politiciens, au fait ?














Ce business est né d'une situation qui pourrit sérieusement, en effet. Le nombre de milices privées a explosé depuis l'arrivée de la présidente Arroyo au pouvoir en 2001. Selon le ministre de la Défense lui-même, -donc attention à la sous-estimation- il y en aurait 132 aujourd'hui. Le même ministère en dénombrait 43 en 2007 - la police parlait alors de 93. Il est assez difficile de les dénombrer, car ces milices sont informelles, engagées souvent ponctuellement par les hommes politiques pour des missions précises. Mais ce qui est sûr, c'est que leur nombre aurait quasiment doublé depuis l'arrivée d'Arroyo. Il faut dire que c'est sous son gouvernement qu'a été renforcé le nombre et le rôle des CAFGU et CVO, deux forces para-militaires des provinces, et qui sont régulièrement détournées par les politiciens pour leurs basses oeuvres.

L'exemple le plus sanglant, est le massacre de Maguindanao, à Mindanao. Tout était réuni : le nombre impressionnant de ces para-militaires, la dynastie politique qui règne sans partage, et la grande tolérance de la Présidente envers son allié de toujours.

Il semblerait, malheureusement, que cet allié lui ait explosé dans les mains.

En attendant, pour ceux qui peuvent se le permettre, je peux fournir l'adresse du garage de blindage. Il paraît qu'on ressort indemne d'une longue rafale de M-16. Ca je ne peux par contre pas le garantir, ils ont pas voulu faire le test devant moi.


Mais vous pouvez toujours me suivre dans le garage de cette petite usine, où l'on transforme ces 4x4 en chars d'auto-défense politique.

Voici le reportage à l'antenne de RFI.



2 commentaires:

coolcool654 a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

http://ph.news.yahoo.com/gma/20100228/tph-man-who-tagged-mike-arroyo-in-jueten-d6cd5cf.html