mardi 11 janvier 2011

La folie du Jésus Noir s'empare de Quiapo

Ils voulaient tous l'approcher, le toucher, ou juste le caresser. Cette statue convoitée serpentait à travers une mer de têtes bouillonnantes et de bras déployés, se frayait un chemin difficile au milieu d'un quartier populaire en émois, par ce jour saint.
Nous étions dimanche 9 janvier. Comme chaque année à cette date, le Jésus Sauveur faisait son apparition exceptionnelle dans les rues de Quiapo, l'un des plus anciens quartiers de Manille, à la densité de population qui excède déjà le supportable. Et défiait les croyances, venait catalyser tous les espoirs d'un peuple aussi désespéré que spirituel.



Ce Jésus n'est pas seulement sauveur. Il a été sauvé. Sauvé des flammes de ce bateau embrasé qui le transportait depuis Acapulco, au 17e siècle, et n'a pu terminer son parcours jusqu'à Manille, l'ancienne ville coloniale espagnole. Cette statue de bois aurait miraculeusement survécu au brasier, et il ne reste à cette effigie, comme marque de cette incroyable épreuve ,que ce teint hâlé : Jésus est noir ! On l'appelle à Quiapo "The Black Nazarene," et il drraine sûrement plus de foules que Bob Marley à ses grandes heures.

Se rendre dans cette cohue tient donc de l'exploit olympique, si encore les Olympiades incluaient cette épreuve inhumaine de circuler dans une foule compressée, qui converge dans des rues étroites vers un petit char.

La police affirme que plus de 7 millions de personnes se sont en tout rendues dans les rues du quartier de Quiapo, lors de cette procession à rythme d'escargot, qui a duré plus de 12h. Toutes ces personnes venaient pour une raison : toucher ce Jésus miraculé, et par là-même, être touché de la grâce de ce miracle. Certains pensent par ce geste être guéri de leur maladie, d'autres, plus prosaïquement, gagner au loto.

Tous sont remplis d'un grand espoir qui les poussent à défier la raison et flirter avec un grand danger dans cette obstination : cette année, 700 personnes ont été soignées pour évanouissement, fractures, ou autres blessures. Les autres années, plusieurs personnes sont mortes, en essayant d'être sauvées.

Quand elles ne peuvent pas monter sur les autres fidèles pour aller toucher directement la statue, elles envoient des serviettes qui entrent en contact, et leur sont renvoyées. Le contact indirect est, semble-t-il, accrédité par les plus hautes autorités fédérales de ce sport spirituel.

Et beaucoup d'autres églises de Manille, mais aussi d'autres villes environnantes, viennent également avec leur Jésus noir, censé apporter son lot de miracles. Bien sûr, les plus valeureux suivent toute cette procession ... pieds nus, et célèbrent le passage de l'effigie en criant "VIVA" !



Entrez dans la foule et sa passion...





Et les chanceux qui sont arrivés à toucher le Seigneur en portent quelques stigmates... d'épuisement.





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