samedi 29 décembre 2007

Il y a 40 ans à peine, c'était en France ...

Quand l'actualité nous offre de riches comparaisons. Alors que depuis plus d'un mois je témoigne de la politique très conservatrice du gouvernement et de l'Eglise philippins sur la contraception, nous fêtons aujourd'hui même les 40 ans de la loi sur la contraception en France !
Les archives sont là pour nous enseigner les débats d'alors, et figer des craintes qui ont bien disparu depuis. Les mêmes forces en présence qu'aux Philippines, de l'Eglise aux mâles dominants. Je ne ressortirai qu'un extrait édifiant de ces débats... C'était il y a 40 ans, en France

(...)
"SOLUTION DE FACILITÉ"

Pour Jacques Hébert (Manche), "la pilule est dangereuse. (...) Nous avons le devoir, nous qui sommes, en tant que législateurs, responsables devant les générations futures du patrimoine biologique des Français, de ne pas autoriser la diffusion de produits dont les conséquences lointaines sont encore très mal connues." Et d'ajouter : "Détruire la vie avant la fécondation, après la fécondation, avant la nidation, après la nidation, revient au même sur le plan de l'éthique." Pour le député Claude Peyret (UDR, Vienne), "le désir de recourir à des méthodes contraceptives procède toujours d'un même besoin d'obtenir une sorte d'assurance contre la grossesse, que certains souhaiteraient inclure dans la Sécurité sociale". Pour l'élu, c'est une "solution de facilité qui voudrait remplacer la maîtrise de soi, quand celle-ci doit être le but de toute éducation."

Jean Coumaros (Moselle) juge "regrettable qu'un tel projet ne puisse être discuté à huis clos, comme aux assises quand il s'agit d'affaires de moeurs". Selon le député, "les enfants ne sont pas toujours engendrés par la réflexion et par la raison, mais dans un élan d'amour irrésistible, comme l'exigent la nature et l'instinct de continuité de l'espèce humaine." Avec la pilule, affirme M. Coumaros, "ces effusions périront dans le néant. Les maris ont-ils songé que désormais c'est la femme qui détiendra le pouvoir absolu d'avoir ou de ne pas avoir d'enfants en absorbant la pilule, même à leur insu ? Les hommes perdront alors la fière conscience de leur virilité féconde et les femmes ne seront plus qu'un objet de volupté stérile."

Les députés adoptent définitivement le texte en deuxième lecture le 14 décembre 1967. La loi Neuwirth n'entrera en vigueur qu'en 1969, les décrets d'application étant longtemps restés bloqués sous la pression, notamment, de l'Eglise catholique et de ses représentants les plus actifs au sein du gouvernement, dont la secrétaire d'Etat à l'action sociale, Marie-Madeleine Dienesch, qui refusait de les signer.

Patrick Roger
Le Monde, Article paru dans l'édition du 28.12.07.

Egalement très instrutctive, cette vidéo d'archive sur le débat de société en 1967
Le débat continue, bien sûr. N'hésitez pas à réagir.

samedi 15 décembre 2007

DEBAT sur le Planning Familial

Face à l'évènement créé sur ce blog par le récent sondage, j'ouvre ici une nouvelle case : un débat.
Ce tout premier sondage publié dans la colonne de droite vient de se clôturer, avec un résultat qui m'étonne grandement : 92 % des votants se sont déclarés "FAVORABLES à l'interdiction de la contraception pour des raisons religieuses".
Ainsi, dans le monde francophone, et en France particulièrement peut-on supposer, une majorité pourrait encore considérer que la pilule ou le préservatif ne doivent pas être fournis aux couples qui le souhaitent, car cela va contre la volonté de Dieu.
On serait donc loin de la France laïque et anti-cléricale que l'on nous décrit souvent.

170 votes, ce n'est cependant pas la France, ou le monde francophone dans son entier. Et certains mails personnels d'une certaine "Alliance pour le droit de la vie " me laissent supposer qu'une certaine minorité agissante a influé les résultats de ce sondage. (message anonyme reçu par cette adresse : sosbebe@adv.org)

Dans tous les cas, ce résultat mérite discussion. Car il semble bien que l'opinion majoritaire se démarque de ma prise de position dans le précédent post. Alors laissez vos commentaires ci bas, ou dans le message précédent, et j'espère qu'entre tous, le débat sera constructif.

jeudi 22 novembre 2007

Manille, où l'on interdit la contraception

Lourdes n'est pas très éduquée, mais il y a un raisonnement qu'elle a intégré : on ne peut pas nourrir 7 enfants avec 5 euros par jour. Pourtant, telle est sa situation aujourd'hui. Elle le savait, mais la différence est qu'elle n'a pas pu l'empêcher. Car comme tous les habitants de Manille, elle n'a pas pu recevoir de contraceptifs des services publics pendant les sept dernières années.

En l'an 2000, le maire de Manille, Jose Atienza, a interdit tous les contraceptifs "artificiels" dans les centres de santé de la ville: préservatifs, pilule, stérilets. A la place, les travailleurs sociaux devaient faire la promotion des méthodes naturelles de contraception : calcul des jours de fertilité, interruption du coït, abstinence... Selon la directive N° 003 publiée alors : "La ville encourage la procréation responsable et le planning familial naturel, non seulement comme une méthode, mais comme un moyen d’éveil et de promotion de la culture de la vie. Et ainsi, la ville décourage l’utilisation de méthodes de contraception artificielle" Cette politique est directement inspirée des thèses du Vatican, et du clergé local, particulièrement conservateur. Pour Jose Atienza, qui est président de l'association ecclésiastique Pro-Life Philippines, "une famille nombreuse est une famille heureuse", et il allait dans les quartiers pauvres, récompenser les familles les plus nombreuses. Empêcher la procréation est un acte péché, selon lui. Il refusait peut-être de penser à Lourdes.

Lourdes, elle, va à l'église tous les dimanches, peut-être plus depuis que sa situation a empiré. La foi catholique, elle l'a collée au corps comme la majorité des Philippins. Pourtant, arrêter d'avoir des enfants n'a rien d'un péché pour elle. C'est juste une question de survie. "Atienza, il est Pro-Life, car il est riche. Il peut se permettre d'avoir beaucoup d'enfants", dit elle simplement. Lourdes, elle, aurait voulu s'arrêter à quatre enfants. Et c'est aussi ce que lui a conseillé son médecin.

L'exemple de Lourdes pourrait sembler juste tragique si cela était un cas isolé. Le problème est qu'il s'est répété des milliers de fois dans la capitale philippine, qui compte déjà les quartiers les plus pauvres de la région, et surtout, ceux à la densité de population la plus forte au monde.















Le gouvernement national ne fait rien pour éviter de telles situations, au contraire. La Présidente Gloria Arroyo, dont on pourrait s'attendre à une certaine sensibilité sur le sujet en tant que femme, suit littéralement la voie de l'Eglise sur le sujet, et ne fait que favoriser ces méthodes naturelles de contraception. Aucun fonds n'existe au niveau national pour appliquer un planning familial plus large. Les seuls qui distribuaient des préservatifs ou des pilules dans les quartiers pauvres étaient l'USAID, qui ont été gentiment et définitivement chassés cette année.

"Le problème n'est pas moral, il est économique", explique l'ancien ministre de la santé, Alberto Romualdez. Actuellement, vous avez près de 2 millions d'enfants qui naissent chaque année. Cela veut dire 2 millions de nouvelles places à créer dans les crèches, dans les hôpitaux. Cette pression démographique saigne notre système". Les Philippines comptent déjà 90 millions d'habitants - la 12e population au monde-, et si la moyenne est de 3,1 enfants par femme, les familles pauvres ont en moyenne 5,9 enfants par femme.


Lourdes ira au tribunal. Pour témoigner des effets qu'a eu cette politique pendant sept ans, pour demander qu'on respecte son doit à choisir sa contraception. Une dizaine de femmes de quartiers pauvres vont en effet porter plainte devant la Cour Suprême, contre le maire Atienza, qui a fini son mandat en mai dernier, pour non-respect de leur droit à la contraception. Elles sont appuyées pour cela par l'ONG de défense des femmes Likhaan et le Centre pour les droits de la reproduction, basé aux Etats Unis. Si l'ancien maire, devenu ministre, n'est pas condamné, on peut au moins espérer que cela créé un débat dans un pays si profondément catholique. Mais qui a besoin de se libérer de l'influence d'un clergé très conservateur.













Pour écouter l'histoire de Lourdes et les positions de tous les acteurs au niveau national, voici un documentaire sur RFI. Ainsi qu'un résumé des enjeux en quelques chiffres .

ET n'hésitez pas à donner votre opinion par des commentaires à la suite de ce message, et sur le sondage




lundi 29 octobre 2007

Un bateau surnommé Hilwai

C'est l'histoire d'un bateau, d'une embarcation de 12 personnes. Des marins, des Philippins. Qui parcourent les Visayas, la région au coeur de l'archipel.

Mais pour une fois, ces marins philippins ne sont pas embarqués sur un pétrolier, et ne servent pas de main d'oeuvre docile, mais s'arrêtent régulièrement pour aider les autres à remarcher.

Handicap International a construit ce bateau pour venir au plus près des gens de cette région. Hilwai, qui signifie "liberté de mouvement" en dialecte ilocano, a d'ailleurs eu un sérieux baptême du feu : sa première mission, il l'a faite pour venir au secours des victimes du tsunami dans la région.















Le bateau s'est donc arrêté pendant six mois sur l'île de Masbate, au coeur de cette région des Visayas, la deuxième province la plus pauvre du pays après celle de Jolo. C'est dire le travail.


Un travail pour appareiller des accidentés de la route, parfois. Ou pour fournir des chaises roulantes adaptées aux enfants, nés avec un pied bot, ou qui ont eu un petit accident que l'on n'a jamais soigné ( comme cet enfant dont on aperçoit le pied brûlé, puis reformé tout seul de travers) . Et les a paralysés, comme le cas de Marcelino, ci-desous avec sa belle chaise rouge, qu'il vient de recevoir. Depuis un an, il ne pouvait plus marcher, apres être tombé d'un buffle. Il restait là, allongé sur le sol. Une petite délivrance, donc.




















Pour entendre une version audio de ce reportage, diffusée sur RFI,
cliquez ici. L'histoire complète du parcours de Marcelino et du programme de Handicap sur Masbate, est racontée dans La Croix, par ici.


Pour finir sur une note bucolique, voici un bateau de pêcheurs de Masbate...



Le trafic de la glace à Masbate


Le trafic de la glace
Vidéo envoyée par sebfarcis

dimanche 30 septembre 2007

Les femmes, égales des hommes dans le business

ON A BEAU LE REPETER, associer les deux notions, les rédactions avaient du mal à y croire, et me répondaient en me disant que c'était quand même "étonnant", "surprenant", voire même "intrigant" : les Philippines sont le seul pays où les femmes sont l'égal de l'homme dans l'économie. C'est à dire, qu'il y a autant de femmes cadres que d'hommes dans le secteur privé. Je précise dans le secteur privé, car quand on inclut le secteur public, les femmes sont 27% plus nombreuses à encadrer des équipes que les cols blancs masculins.
A vrai dire, les convaincre aurait été certainement plus difficile, si je n'avais eu mon grand ami Grant Thornton. Ce compagnon basé dans la très sérieuse City de Londres m'a officialisé la chose, et m'a ainsi grandement facilité la tâche. Ce cabinet d'études international a publié une enquête qui classe l'intégration des femmes dans l'économie privée de 32 pays. Et dans lequel, donc, Ô surprise, les Philippines excellent pour une fois de manière positive. Les pays occidentaux, si aisément appelés développés, font bien pâle figure quand il s'agit de faire travailler les femmes. La France est 17e, le Japon dernier. Merci, allez vous rhabiller.

Alors oui, c'est bien beau de faire travailler les femmes, et en plus de leur donner des responsabilités, on aimerait bien, nous (enfin en théorie) ... mais comment vous faites ?

La recette des Philippines est à l'image du pays : un melting pot d'influences, aussi difficile à copier qu'à expliquer.
Il y a d'abord le premier regard, l'apparence qui semble donner les clés de l'indépendance des femmes actives : les domestiques. Ou, comme j'ai malicieusement réussi à le faire dire à une députée féministe, "le fait d'avoir une femme à la maison qui s'occupe des tâches domestiques et des enfants est un grand facteur de libération... pour les femmes !" Les Philippins sont connus de par le monde pour leurs domestiques qui s'exportent dans les 180 pays du globe. Mais il en reste encore beaucoup au pays ; il y a quelques années encore, 80% des foyers avaient des domestiques. Ce chiffre est tombé à présent à 10%, selon un sondage de TNS-Global. Les femmes actives peuvent, encore, plus facilement se dédier à leur travail, rester tard le soir, et finalement occuper des fonctions d'encadrement gourmandes en temps, car "on n'a pas besoin de courir à la maison s'occuper des enfants ou faire à manger au mari", comme le disait simplement Florencia Tarriela (photo), directrice de la Philippine National Bank, 5e organisme bancaire de l'Archipel. Les femmes délèguent une partie de l'éducation de leurs enfants à des domestiques. Une confiance totale, souvent, envers des employées finement et attentivement choisies.











DEUXIEME ETAGE de la fusée féminine: leur éducation. Les femmes réussissent mieux que les hommes à l'université. 33% des employées féminines ont fait l'université, contre 25% des hommes. La différence est même du simple au double pour les plus hauts niveaux de "post-graduate", qu'ont atteint 20% des femmes contre 10% des hommes. Une des raisons que l'on m'a donné est que les filles, jeunes, sont gardées à la maison, où elles aident leur mère, et sortent moins que les garçons. Donc elles étudient plus.

Enfin, et c'est peut-être le plus simple qui explique le mieux : "les femmes manager sont des mines d'or", me lançait le patron d'une société française d'édition de portails Internet, Anxa, en réalisant à quel point il leur faisait confiance : sur les 10 managers que compte sa société dans l'Archipel, Fabrice Boutain a engagé 9 femmes. "Responsables, innovatrices, très bonnes financières..." : Les femmes philippines sont comme leur pays, un mélange d'influences: Un peu de sang chinois qui donne aux femmes un sens aigu du business ; l'influence espagnole par laquelle les femmes sont responsables au foyer autant que dans leur vie active ; et enfin un libéralisme économique et un pragmatique américain qui les rend assez indépendantes. Et Fabrice de réaliser, sans presque oser l'avouer, qu'il pratique ainsi une discimination positive... envers les femmes !

Si vous voulez en savoir plus :
mes reportages sur le sujet ont été diffusés sur RFI, sur la Radio Suisse Romande,
et sont à paraître dans La Croix de ces jours-ci, dans Challenges de la semaine prochaine, et dans L'Expansion du mois de janvier... quand je vous disais que les rédactions étaient "intriguées" !

dimanche 19 août 2007

A chacun son bout de paradis

Peu de mots, beaucoup d'images. Mais des histoires fascinantes qui se cachent dans cette frontière sauvage des Philippines : Palawan.
Un archipel de plus de 1700 îles, égrainées sur le flan ouest du corps de dragon que forment les iles philippines. Beaucoup de petits bouts de paradis, où il est possible, sachez-le, de mettre un panneau : "paradis privé".
Non pas qu'il faille rendre le paradis privatif, mais dans un pays qui représente le deuxième plus grand archipel du monde, avec plus de 7100 îles, ces bouts de terre émergée ne sont rien de plus que ... des bouts de terrain. Qu'il est donc possible d'acheter : 10, 15, 20 hectares, les îles sauvages aux eaux turquoise existent de toutes les tailles. Mais sont très prisées, soyez-en sûrs, vous n'êtes pas les seuls à rêver !
Les étrangers commencent en effet, dernièrement, à investir dans les îles de Palawan, qui restent encore bien à l'écart du tourisme de masse de Boracay ou d'autres spots du pays. Donc les prix grimpent rapidement : de 15 000 euros l'hectare il y a encore deux ans, les prix ont doublé. Et les îles encore "libres" sont de plus en plus rares. Les îles proposées ne sont pourtant pas forcément autorisées à la vente. Parfois sont elles incluses dans des zones protégées, ou dans des espaces naturels publics interdits à la vente. Les sites internet en proposent en effet des merveilleuses . Et gare à la déconvenue quand le riche investisseur hédoniste viendra sur place se rendre compte des détails.
Mais attention, cher étranger cherchant ici son bout de paradis pour sortir de l'hiver euopéen, sache une dernière chose. Si les prix peuvent paraître bien meilleurs marchés aux Phillippines que dans d'autres archipels de la zone, c'est qu'un frein important s'oppose à l'investissement étranger de masse. Il est en effet impossible pour un étranger d'acheter du terrain à son nom dans le pays. Il doit, pour l'acquérir, par exemple créer une société immobilière qui détiendra ce terrain, et en vendre au moins 60% à un Philippin. Une démarche de confiance qui empêche n'importe quel étranger d'acheter le pays !

En attendant, beaucoup en rêvent, et certains réalisent ce rêve d'enfant. Comme un Français, qui habite depuis plus de 15 ans aux Philippines, et qui a acheté son "bout-de-paradis-entouré-de-coraux-multicolores", à 45 minutes de bateau de la ville de Coron, dans le nord de l'archipel. Où il compte faire un petit resort touristique, pour d'autres amoureux de la nature sauvage ... et isolée !

Petit tour du propriétaire, de cette "île aux rats" (sic) de 15 hectares, sur laquelle je me suis rendu avec lui.
















Quand les noix de coco tombent des arbres, il n'y a plus ... qu'à savoir les ouvrir pour les déguster !














Les fonds autour de cette île sont impresionnants: à quelques mètres de la côte, un courant froid a permis le développement d'une barrière de corail turquoise, violet et vert. Une chose rare, et qui a décidé ce Français à l'acheter.



Pour l'instant, ce paradis de 15 hectares, reste, tout simplement, une île déserte. (Cliquez sur l'image).



Pour écouter le parcours vers cette île et un reportage sur ce marché des îles,
rendez-vous ici.
Et si vous voulez vraiment halluciner ... allez voir la photo aérienne de l'île


Et cette girafe ? ... Elle vit aussi à quelques miles de cette belle île: pour en apprendre plus sur le projet délirant de Marcos, qui a fait venir des girafes, des zèbres depuis le Kenya... poussez ce lien.

mercredi 4 juillet 2007

Mettez les rebelles au pouvoir

Il se présentait depuis sa prison. Accusé de rebellion et de coup d'Etat pour avoir pris la tête d'une mutinerie en 2003 dénonçant la corruption de la présidence, il représente l'un des principaux et dangereux opposants de la présidente Gloria Arroyo, qu'il a osé défier. Coupé du monde par ses barreaux et par les ordres de la présidence qui lui a empêché presque toute apparition dans les médias pendant la campagne, son visage a été totalement absent des télés qui forment les élus. D'ailleurs, même l'opposition ne croyait pas en cet homme.
Antonio Trillanes a pourtant reçu plus de 10 millions de voix lors de l'élection du 14 mai dernier. Et a été élu sénateur des Phillippines. Pour cela, il a reçu le soutien officiel d'une seule personnalité politique, la sénatrice de l'opposition Jamby Madrigal. Il est à ce jour le premier et l'unique sénateur à "siéger depuis sa prison", ce qui n'est déjà pas sans poser de nombreux problèmes législatifs depuis sa proclamation le 30 juin dernier. La chambre haute du Parlement philippin, l'antichambre de la présidence qui ne compte que 24 membres, compte un rebelle dans ses rangs.
Le Lieutenant de la Marine Antonio Trillanes IV, âgé de 36 ans, était bien inconnu avant 2003. Brillant officier, il terminait alors un master en administration publique à l'Université des Philippines. C'est sûrement là qu'il a commencé à se préoccuper des dysfonctionnements de la chose publique dans le pays, et particulièrement dans l'armée, qui est très souvent accusée de corruption. Il a d'ailleurs publié deux notes détaillant les incompétences du système militaire, à des moments-clé comme lors du kidnapping des touristes occidentaux par Abou Sayyaf en 2001.
Il ne s'est donc pas arrêté là. En 2003, il mena ainsi le "rebellion d'Oakwood" avec 320 autres officiers, mutinerie plus médiatique que militaire, qui a consisté à inviter les médias dans le grand hôtel Oakwood du quartier d'affaires de Manille, qu'ils avaient occupé et apparemment équipé d'explosifs. De là, il décrivit la corruption des chefs de l'armée et organisée par la présidente Gloria Arroyo, favorisant les actions de terreur et les groupes rebelles, et qui aurait été sur le point de déclarer ainsi la loi martiale. Cette rebellion n'aura duré que 18 heures, sans blessés, ni trop de dommages immédiats pour la présidence.
Un an après, la moitié de ces officiers se sont excusés, et ont été graciés. Antonio Trillanes a maintenu ses accusations, et continué à attendre son procès civil et en cour martiale dans une geôle des marines. Où, progressivement, il gagnait en popularité.
A la veille de l'élection du 14 mai dernier, certaines sources m'affirmaient qu'il avait l'adhésion de 98% des militaires, soit l'un des piliers du pouvoir aux Philippines. Une popularité aussi très "populaire" : les chauffeurs de taxis, les ouvriers, avouaient qu'ils croyaient en cet homme. Et c'est ainsi qu'il s'est élevé à l'un des postes les plus convoités de la politique du pays, recueillant l'adhésion de plus d'un électeur sur quatre, et créant ainsi l'"effet Trillanes", qui étonna tout le monde, des médias aux politiques: celui d'un homme qui dénonce un système corrompu et auto-reproduit, familial et auto-protecteur, où la triche et la manipulation des scrutins est légion, et qui, en plus, arrive à se fait élire.

Pour en savoir plus :
Le site officiel de la candidature d'Antonio Trillanes
Des vidéos de sa campagne depuis sa cellule
Une lettre ouverte de Trillanes dénonçant la politique de calomnie menée par l'administration contre lui

jeudi 10 mai 2007

"Bloody elections"


La saison des élections bat son plein, la saison des assassinats fait tomber les politiciens. Depuis une semaine, deux personnes au minimun sont tuées chaque jour dans le pays dans des "violences liées aux élections" du 14 mai prochain. Des chefs de village qui ont choisi le camp le moins armé, des supporters des candidats locaux, ou tout simplement des maires.

Pour ces élections encore, comme il y a 3 ans lors du scrutin présidentiel, le chiffre des 100 persones abattues devrait être atteint. Mais cette année, comme le disait un chroniqueur, la particularité est que les commanditaires n'hésitent pas à tuer les candidats eux-mêmes : dans les dernières semaines, le maire de San Carlos (100 000 hab.) a ainsi été abattu en pleine fête du village, moment de l'élection de la Miss San Carlos...
Un des points les plus chauds à la veille de ces élections, qui doit renouveller la chambre des députés, la moitié du Sénat, et tous les mandats locaux (maires, gouverneurs), est la province d'Abra.

Dans le nord ouest du pays, le gouverneur a transformé la province en vrai Far West : il est accusé d'être responsable des dizaines d'attaques à l'arme automatique contre les autres politiciens locaux. D'être d'abord le commanditaire du meurtre du député de la province, Luis Benjamin Jr., tué à la sortie d'un mariage en décembre dernier. A la veille de l'élection, c'est contre la maire d'une des villes de la province, qui est également son opposante pour le poste de gouverneur, qu'il aurait envoyé ses hommes de main, la semaine dernière. Bilan : 6 morts. Des supporters, cousins et neveux de cette maire, Cecille Luna, mais elle est restée indemne, car elle avait pris exprès un autre intinéraire. Il faut dire que ce n'était pas la première fois qu'elle était visée.

Être candidat aux élections peut donc se révéler mortel aux Philippines. Gare à ceux qui essaient de se faire élire dans les fiefs locaux, tenus par les dynasties. Deux chiffres : 81 provinces sont dominées par 119 familles. Une répartition peu partageuse, un blocage entretenu souvent au moyen d'assassinats ciblés.

Pour contrer cela, la commission des élections a interdit toute détention d'armes sans autorisation spéciale, pendant trois mois avant le scrutin, comme lors de chaque élection. Dans la province d'Abra, elle a obtenu le contrôle sur la police pour établir des check point. Peine perdue apparemment, son président a avoué qu'il ne pouvait rien faire si les dirigeants politiques eux-mêmes faisaient tout pour établir un climat meurtrier. "Les policiers ont beau confisquer les armes, les politiciens arrivent toujours à se fournir. " Aux Philippines, plus d'un million d'armes seraient en circulation, pour 85 millions d'habitants.

PHOTOS : Fabrication légale (1), et illégale(2) d'armes, dans la "capitale" des armes aux Philippines, Danao. Dans cette ville de l'île de Cébu, des artisants fabriquent des copies de Smith et Wesson, de Magnum ou de Uzi, depuis la 2e guerre mondiale. Des milliers de ces armes sortent chaque mois, des ateliers officiels ou officieux; et les ventes explosent à la veille des élections...

mardi 10 avril 2007

Les Christ d'un jour

Se flageller pour remercier Dieu, se crucifier pour bênir sa famille. Cela paraît tellement contradictoire avant de se rendre sur place, ici, à 80 km de Manille et de ses centres commerciaux dorés et flambants de modernité.

A San Pedro, la vie a pris sans doute un différent cours quand pour la Pâque de 1962, un certain Ramon Navarro a "rejoué" la crucifiction du Christ. Il a arpenté la route de 2 km du village de San Pedro, qu'il a appelée "Via Crucis", et a monté la petite colline à son extrêmité pour s'y faire crucifier. Depuis, tous les ans, des dizaines de personnes revivent ces scènes de douleur. Des pénitents au visage masqué se flagellent avec des bouts de bois, puis plusieurs autres montent sur la croix, les paumes et les pieds cloués à ses branches.

Nous sommes ici dans la complète tradition qui se contente d'un étonnant mimétisme et dans laquelle, et c'est le plus ironique, l'Eglise est totalement dépassée. Elle ne soutient pas cette célébration locale, car selon elle, "seul le Christ a été crucifié, et il est le seul à pouvoir nous sauver". Ce qui n'est pas totalement faux, pour une fois je suis bien d'accord avec eux. Mais ce ne sont pas des fanatiques qui font cela, cela aussi est original. Juste de simples villageois qui croient corps et âme à la tradition qu'ils ont toujours vu se perpétuer. Un exemple est marquant: celui du principal Christ de cette année, et de beaucoup d'autres en fait, que j'ai interviewé à sa descente de croix (alors que je suis sûr qu'il n'y avait personne pour le faire il y a 2007 ans ! scoop).
Ruben Enaje est un peintre d'affiches de cinéma, de 46 ans. Et c'était la 21e fois qu'il se faisait crucifier. "Je le ferai tant que mon corps le permettra", a-t-il affirmé. Respect. Et témoignage photo.

Une personne fait de petites entailles pour faire sortir le sang, quand les pénitents se frappent de leurs bout de bois






Les enfants sont curieux, rigolent, et miment même parfois ces flagellations...







La fiesta filipina a beau être pleine de dévotion, elle n'en est pas moins une célébration, un moment de rigolade, un jour férié, une fête quoi ! Alors quand on a lavé ses légères plaies et le sang, les pénitents demandent et sont fiers de poser pour la photo. C'est sérieux, mais pas vraiment non plus ...
















Un vieil homme
porte sa croix avec foi, le long des 2 km du chemin de croix, une heure avant la procession officielle. Je ne l'ai pas vu monter sur cette croix. Au bout du chemin, un pénitent s'agenouille devant le "Golgotha" où sont plantées les trois croix noires. Et sur lesquelles monteront, dans une représentation assez théâtrale avec des gardes romains et des femmes pleureuses, les 8 "Christ du jour". Devant le regard de milliers de personnes, et de centaines de médias locaux et étrangers venus voir une tradition spectaculaire.



Le peintre Ruben Enaje, est monté pour la 21e fois sur la croix,
pour remercier Dieu de bênir sa famille e
t son travail.


Reportage écrit et photo sur le site de RFI,
et reportage audio de la crucifiction pour la Radio Suisse Romande

mercredi 21 mars 2007

Mindanao : un long conflit de terres

L'histoire de cette grande île du Sud ressemble beaucoup à celle de Jolo. Mais son présent est un peu différent. Le principal groupe rebelle de Mindanao, le Front Islamique de Libération Moro (MILF), est en négociations depuis 2001 avec le gouvernement. Et la situation est plus pacifique qu'à Jolo, bien sûr.
Le samedi 11 mars dernier, j'ai rencontré le chef de ce mouvement du MILF, Ibrahim Hadj Murad (photo ci-contre). Dans son camp de Darapatan, près de la ville de Cotabato, sur l'ouest de l'île, celui-ci s'étend sur cinq villages, soit plusieurs kilomètres carrés. Il a alors confirmé une information obtenue la veille par l'un des responsables des négociations dans le gouvernement: Manille vient de proposer au MILF de leur offrir "le droit à l'autodétermination ", et de constituer une région fédérale spéciale et musulmane sur ces terres d'origine du peuple "moro".

Ce peuple "moro", comme l'ont appelé les Espagnols, est de confession musulmane depuis le 14 e siècle, bien avant l'arrivée des catholiques. Il se bat depuis plus de 40 ans pour retrouver une certaine indépendance sur leurs terres d'origine, et contre l'arrivée massive des catholiques du Nord. Cette politique de migration interne, voulue par Manille, a provoqué un renversement de la structure démographique et religieuse, et fait des moro musulmans un peuple minoritaire sur ses terres d'origine : de 76% de la population de Mindanao en 1903, ils n'en représentaient en 1990 plus que 19% (chiffres cités par Salomone Kane, dans La Croix et le Kriss). Les catholiques ont également racheté des terres aux musulmans, que ceux-ci estiment à présent être leur "domaine ancestral". (Ci-dessus: un soldat de l'armée du MILF, dans le camp de Darapatan)
Et toutes les tensions sur l'île de Mindanao tournent autour de ces terres. 120 000 personnes sont mortes à Mindanao depuis les années 70 à cause de ce conflit , dont 20% sont des civils. Et 2 millions de personnes ont été déplacées.


Une "région autonome et musulmane" a été créée sur une frange ouest de l'île en 1996, grâce à l'accord de paix signé par l'ancien groupe rebelle MNLF. Malgré cela, le combat a continué, mené par le nouveau-MNLF, ce MILF. Pour eux, cette "région autonome" n'intègre pas toutes les "terres ancestrales", et l'autonomie -notamment financière-, n'est pas suffisante.

MINDANAO, OU LA SICILE TROPICALE
Depuis 2001, le MILF a signé un accord de cessez-le-feu, et s'est assis à la table des négociations. Pourtant, ces négociations étaient dans l'impasse depuis septembre, ce qui a relancé des combats sporadiques, et entraîné, par exemple, le déplacement de centaines de personnes le 5 mars dernier (photo ci-dessus et ci-contre, dans un camp de réfugiés, près de Midsayap).
Cette proposition est donc arrivée, comme l'a dit le responsable des négociations dans le gouvernement, au moment où ils étaient au bord du gouffre : "quand on n'a plus le choix, on arrête de réfléchir, et on trouve une nouvelle solution", confiait Rudy Rodil, le 10 mars dernier.

Cette proposition est inédite, depuis plus de trente ans de négociations entre le gouvernement et les différents groupes rebelles musulmans. Elle a eu de quoi réjouir, de manière contenue toutefois, le chef du MILF : "oui, nous sommes prêts à accepter cette proposition d'autodétermination, confirmait Ibrahim Murad dans son QG. Mais la ratification définitive devra être faite par le peuple moro, par un réferendum, par exemple". Une leçon de gestion démocratique, ou en tout cas un discours qui le laisse croire.

Mais c'est plutôt de l'autre côté que les obstacles risquent d'empêcher la création d'une région fédérale: dans l'armée, déjà, qui est impliquée depuis des dizaines d'années dans ce conflit, et qui aurait perdu environ 40 000 soldats. Une armée très forte et qui détient un grand pouvoir sur cette île du fait de ces tensions. Un pouvoir qu'elle ne lâchera pas facilement.
C'est également dans le pouvoir en place à Mindanao, même musulman, que cette refonte institutionnelle ne risque pas d'être très bien vue. La gestion y est clanique, et montre à quel point Mindanao ressemble à la Sicile: la famille Ampatuan, par exemple, truste presque tous les postes de responsabilités de cette région autonome actuelle. Le Parrain, Andal, âgé de 65 ans, est le gouverneur de la région. Sur les 22 villes de cette région, 18 sont dirigées par un membre de sa famille. Redistribuer les cartes et les territoires risque de ne pas être complètement de leur avis.
Alors, comment va être accueillie cette proposition d'autonomie dans quelques mois, au moment des négocations, par ces différents acteurs.
C'est un pari bien difficile à faire. Et il peut y avoir beaucoup de retournements avant la création de cette région fédérale et musulmane, dans le sud-ouest des Philippines. ( En cadeau, le sourire des enfants du camp de réfugiés de Midsayap. En photo, et en vidéo à la suite. )

Les enfants réfugiés de Midsayap

Ces enfants ont été déplacés avec leur famille, à cause de l'affrontement qui a eu lieu entre les rebelles du MILF et l'armée philippine.
Une semaine après, dans un petit camp improvisé où ils sont réfugiés. Un écran vidéo déployé devant eux leur redonne un sourire hilare ... !

samedi 24 février 2007

Jolo : une île en rébellion depuis 400 ans

L'Occident a découvert l'île de Jolo en 2000, quand le groupe Abou Sayyaf a commencé à kidnapper des touristes, puis des journalistes étrangers. Cette terre est en fait le centre d'une rébellion bien plus ancienne. Depuis que les espagnols catholiques sont arrivés dans l'archipel, ces îles de l'extrême sud-ouest des Philippines résistent. Car Jolo a une longue histoire, bien plus longue que Manille. Elle remonterait au 14e siècle, quand les premiers arabes ont apporté l'islam sur l'île. Depuis lors, la province de Sulu, dont Jolo est la capitale, constitue un sultanat, respecté dans la région, et qui perdure jusqu'à aujourd'hui. Manille, à cette époque, n'était qu'un village, alors que Jolo était déjà une ville importante, un port essentiel sur la route entre la Chine et les Moluques.
La guerre contre les Espagnols a commencé en 1576, quand ceux-ci ont colonisé l'archipel et lui ont donné son nom, les Philippines. Mais les habitants de Sulu se battront pendant trois siècles, et le sultant n'acceptera de devenir le vassal de l'Espagne qu'en 1878, vingt ans avant que les Espagnols ne soient délogés des Philippines par les Etats-Unis.
Le sultanat relancera la guerre pendant treize ans contre les Américains, jusqu'en 1911, avant que les Philippines ne deviennent indépendants en 1946.

Depuis, la rébellion continue dans les 8 îles que compose la province de Sulu, et particulièrement à Jolo. Dans les années 70, un groupe musulman et laïc, le Front de Libération Nationale et Moro, prend la tête du mouvement séparatiste contre le pouvoir de Ferdinand Marcos. Celui-ci instaure la loi martiale en 1974, et bombarde Jolo. La guerre durera pendant 16 ans, jusqu'à la signature de la paix en 1990, et la création d'une région autonome musulmane dans tout le sud-ouest des Philippines en 96. Mais depuis ce moment-là, c'est le groupe Abou Sayyaf, pour le coup vraiment islamiste et jihadiste, qui a pris le relais.

Aujourd'hui, plus de 5000 militaires philippins se battent sur l'île de Jolo, pour abattre environ 200 combattants d'Abou Sayyaf, selon l'armeé. Ils sont aidés par la logistique de l'armée des Etats-Unis, qui a posté également une centaine d'hommes sur l'île. Tant de moyens déployés sur une île de 60 km de large. Certes où la jungle est épaisse, certes face à des combattants "agiles et vifs, habitués à la jungle et immunisés contre ses dangers", comme le reconnaît le général des Marines Juancho Saban, commandant dans la partie Nord. Mais une des questions que je me pose après avoir passé quatre jours sur cette île est celle-ci: l'armée philippine, et surtout l'armée américaine, veulent-elles vraiment éradiquer ce groupe islamiste et effacer toute menace dans un sud musulman en perpétuelle agitation ? Un tel déséquilibre dans les moyens devrait en finir avec Abou Sayyaf. Mais Manille a besoin de contrôler ces provinces aux tentations indépendantistes. Les Etats-Unis ont fait depuis 2002 des Phillippines leur base avancée contre le terrorisme en Asie du sud-est. Chose qui serait impossible dans la plupart des pays aux alentours, comme l'Indonésie et la Malaisie musulmanes, et qui serait difficile à justifier sans la menace d'Abou Sayyaf, qui est accusé d'établir des liens avec Al Qaeda.
Géopolitique assez complexe. Que je ne cherche pas à expliquer, mais à décrypter.

Ainsi, pour essayer de comprendre ce qui se déroule dans cette province au coeur de la rébellion, je vous propose déjà ce reportage photo, réalisé ce mois-ci pendant quatre jours, accompagné par l'armée : en ville ; en patrouille sur les lieux où ils ont tué le chef d'Abou Sayyaf, en septembre dernier; et dans les camps de Marines au bord de la mer... où l'on voit que ces Philippins ne manquent jamais d'humour.














Et pour vous projeter à Jolo sans prendre le risque de vous faire kidnapper, je vous propose donc deux reportages: un reportage écrit,d'abord, puis surtout un documentaire de 20 minutes , les deux diffusés par RFI. Bon voyage !
















mercredi 31 janvier 2007

Les coulisses de l'Asean

Un douzième sommet dans ses plus beaux habits... de police. Près de 10 000 policiers et militaires quadrillaient l'île de 8000 km², entre le 10 et le 15 janvier pour le 12e sommet des 10 pays de l'organisation de l'Asie du sud-est. La menace terroriste n'est vraiment pas loin - à quelques centaines de kilomètres des bases du fameux groupe Abou Sayyaf-, et le report du sommet en décembre dernier, à la dernière minute, avait entre autres été justifié par ces risques.

Donc du bleu et du kaki, c'est joli pour refaire le décor de Cébu. Heureusement, l'inauguration était plus diversifiée, comme vous pouvez en voir les délires marino-nationalistes: des "cebuanos" qui soufflent - ou en tout cas approchent la bouche et font bien semblant - dans un coquillage improbable. Bon, la pluie était assez refroidissante, mais on peut pas tout prévoir, même quand on est les boss de la région.

Non, en fait, celui qui a tout compris, c'est le maire de cette ville: déjà, par ses copinages avec la présidente, il a réussi à voler l'organisation du sommet à la capitale, ce qui n'est pas banal quand il s'agit de réunions de cette échelle. Mais surtout, ce bon-empoint maire a dragué le petit millier de journalistes présent pour l'événement en les invitant dès le premier jour dans une énorme villa pour une fête pas moins monumentale. Et c'est là que vous verrez le Parrain du centre des Philippines se faire entraîner par sa femme vêtue d'un jaune pétant et déchaînée sur la musique, comme toute Philippine qui se respecte. Je ne pouvais pas vous épargner la vidéo : la voilà ici bas.


Le Maire de Cebu en plein délire
Vidéo envoyée par sebfarcis

samedi 20 janvier 2007

Du haut d'une communauté catholique


Ca y est, les connexions se rétablissent progressivement aux Phillippines. Le câble sous-marin qui a été affecté par le tremblement de terre au large de Taïwan n'a sûrement pas été réparé... mais le flux nous revient par vagues...
Je profite donc de cette fenêtre dans le flux numérique pour redescendre mes images et quelques récits de la montagne philippine.
Un voyage dans la province de Kalinga, à la pointe nord de l'île de Luzon; 13 heures de bus de Manille, pour arriver à Tabuc, puis deux heures de jeep parmi les rizières, et un début de grimpe à pied, pendant deux nouvelles heures. La voiture ne passe plus, le chemin est raide.
Au milieu de ces montagnes de près de 2000 mètres de hauteur est établie une mission catholique.
Aucun prètre philippin pour la tenir, la ferveur catholique des Philippins trouve ses limites dans l'isolement. Deux pères étrangers y vivent: un Congolais et un Indonésien.
Je suis parti accompagner une amie qui travaille pour l'ONG Enfants du Mékong. La mission de l'ONG est de financer l'éducation d'enfants en Asie, ce qui implique d'aller chercher ces enfants et d'entretenir les liens. Sa mission, à elle, est donc d'établir ces liens: relevés de notes, échange de photos, discussion et évaluation de la motivation des enfants de ces montagnes, qui vivent parfois à 2 h de marche de leur école. Tout constitue ce petit suivi, l'autre côté du chèque de 20 euros donné chaque mois par un foyer français, contre une photo du sourire d'une fille, d'un garçon. Mais la petite doit être jolie sur la photo : des parrains ont déjà renvoyé la photo en disant qu'ils voulaient une fille plus jeune et plus mignonne...
Et au quotidien, comme la responsable locale d'Enfants du Mékong est basée à Manille pour pouvoir sillonner le pays, ce sont les deux prêtres qui font les tuteurs pour les enfants, et qui servent de lien avec l'ONG. Pour le transport dans une des seules jeep du coin, pour la fête dans une des seules grandes salles des montagnes, et qui appartient à la paroisse, l'Eglise catholique est un petit Etat dans un no man's land de pouvoir public, ces deux prêtres font toutes les tâches de pères et de maires. Une responsabilité importante, un pouvoir énorme. Et au bout de trois jours avec eux, j'étais heureux de voir qu'ils n'avaient pas l'air d'en abuser. Dans tous les sens du terme.

Un regard qui se passe de commentaires.





Fête pas forcèment très catholique

Province de Kalinga, la nuit tombée.
Le soir, le prêtre a réuni les enfants pour une petite soirée dans une des maisons du village de ces montagnes. Il anime les Philippins, timides. Et ce Congolais se lance avec une des enfants, dans une danse traditionnelle de Kalinga!



Le prêtre en forme
Vidéo envoyée par sebfarcis