vendredi 24 septembre 2010

Le fléau des avortements clandestins



C'est l'histoire de ces femmes qui se cachent pour mourir. De l'interdiction d'un acte qui n'a fait que l'amplifier, et semer la mort quand elle cherche à l'empêcher.

Les Philippines sont l'un des quatre derniers pays au monde à interdire l'avortement, sans aucune exception : que la grossesse soit le résultat d'un viol, d'un inceste, ou que la vie de la mère soit en danger, la femme qui porte ce foetus n'a aucun recours pour interrompre cette grossesse. Pire, elle est passible de plusieurs années de prison si elle le fait



Mais ce puritanisme moral et législatif n'a fait, depuis des dizaines d'années, qu'amplifier ce phénomène : plus de 500 000 avortements clandestins auraient ainsi lieu chaque année, soit deux fois plus que ceux légaux en France, et réalisés à l'ombre de maisons insalubres, grâce à des instruments non-stériles à la source d'infections mortelles, ou en prenant des médicaments abortifs très forts qui entraînent des saignements incontrôlables.

Dans de telles conditions, ce n'est pas seulement la vie du foetus qui est en péril, mais celle de la mère. Plus de 1000 femmes meurent chaque année des suites des complications de ces avortements clandestins.

Un rapport international vient, pour la première fois dresser un tableau sur des conséquences sanitaires et psychologiques de la "criminalisation" de l'avortement. Ce rapport complet, passionnant et alarmant, est le résultat d'un travail d'enquête de deux ans réalisé par l'ONG américaine The Center for Reproductive Rights. Il s'est appuyé sur de nombreux témoignages de femmes qui ont réalisé elles-mêmes leur avortement, de médecins, obstétriciens philippins, et de responsables politiques.

Il cherche à montrer les limites graves du système de santé philippin qui manque de venir en aide à ces femmes désespérées : il n'existe d'abord aucune pilule du lendemain en cas de viol ou d'accident contraceptif, car celle-ci est considérée comme une pilule abortive par le clergé et certains députés. Les médicaments jugés comme essentiels par la profession, comme le Misoprostol, pour évacuer un foetus décédé du ventre de la mère, sont également interdits, et inaccessibles pour la plupart des gynécologues.

Enfin et surtout, certains médecins condamnent moralement ces femmes qui ont recours aux avortements, et arrivent en sang dans leurs services d'urgence. Certains les insultent, les stigmatisent, et négligent leurs soins. Voire les menacent de les dénoncer à la police. Une atteinte basique au droit des femmes à la santé, comme le déclare Melissa Upreti, responsable Asie pour l'ONG Center for Reproductive Rights.

"Malgré les garanties constitutionnelles de liberté religieuse, et de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la hiérarchie catholique a remis en cause les droit reproductifs des femmes, dont le droit à l’avortement.
La criminalisation de l’avortement a donc entraîné le gouvernement philippin dans une situation de violation des lois internationales, en mettant la santé des femmes en danger, et en remettant donc en cause le droit des femmes à la santé, à la vie, et à la non discrimination. "

Le clergé, acteur extrêmement influent politiquement et moralement sur ces questions, quant à lui, refuse tout aménagement de la loi :
"L’avortement ne peut pas être défendue, car la vie commence au moment de la conception, soit à l’instant de la rencontre entre le sperme et l’ovule, et nous devons donc protéger cette vie", affirme le Père Melvin Castro, secrétaire général de la commission de la famille et de la vie au sein de la Conférence épiscopale.

Une telle intransigeance qui s'applique également aux cas de viol, pour le prêtre : "Nous ne pouvons pas répondre au crime du viol en commettant un autre crime, celui de tuer le foetus. A la place, nous conseillons toujours à la femme, si elle ne peut garder l’enfant, de le faire adopter "

Pour mieux comprendre ce débat de société, et entendre ces femmes cachées qui ont dû avoir recours à ces avortements, au risque de leur vie, je vous propose d'écouter le documentaire que j'ai réalisé pour RFI.
Vous pouvez également lire mon reportage publié dans LE TEMPS.










dimanche 19 septembre 2010

Début du procès des Ampatuan : vers la fin de l'impunité ?


C'est un événement important qui vient d'avoir lieu dans la salle du tribunal spécial de Manille, mais ce n'est là que le début. Et qui sait si nous en verrons un jour la fin.
Le procès du massacre de Maguindanao vient formellement de débuter par les audiences sur le fond le 8 septembre dernier. Le 23 novembre 2009, 57 personnes avaient été sauvagement assassinées, prises entre les feux d'une guerre de clans politiques à la recherche de leur survie électorale.
Les noms des responsables de cet innommable massacre sont connus : les Ampatuan, seigneurs féodaux au-dessus de toute justice dans cette province, qui ont peu fait pour dissimuler leurs actes, et voulaient juste se débarrasser de l'inconscient membre du clan adverse qui osait se présenter face à eux lors de cette élection démocratique pour le poste de gouverneur de Maguindanao !
Ce procès est donc celui de tout un système plutocratique de clans mafieux, et du pouvoir central qui les soutient.

Mais l'horreur du massacre est aussi grand que l'ampleur de ce procès : plus de 500 témoins devraient être entendus à la barre, pour près de 200 accusés. Les proportions de ce procès, que certains comparent ici à celui de Nuremberg, dépassent largement les capacités du système judiciaire philippin.

Dès le premier jour, la culpabilité de cette famille Ampatuan dans son entier a été révélée au grand jour. Et depuis lors, les implications des responsables nationaux sont détaillése. Les accusations et les preuves pleuvent, comme à l'habitude, dans le système philippin, où les médias font un très bon boulot. Où le Sénat est transformé la moitié du temps en cour de justice médiatique, et les hommes les plus corrompus nommés et couverts de honte.

Mais jamais ce Sénat n'a réussi à transformer ces accusations en condamnations par une Cour de justice formelle, car celles-ci sont soit surchargées, soit corrompues.

Donc il faut espérer que ce nouveau procès mettra en partie fin à ce maux terrible qui a permis à ce massacre d'avoir lieu en plein jour : l'impunité.

Voici les enjeux de ce procès, dans mon article de La Croix